Le lac romantique, sur les pas de Lamartine 

Alphonse de Lamartine arrive à Aix-les-Bains en octobre 1816 pour se soigner d’une maladie pulmonaire. C’est au cours de ce séjour dans la ville thermale qu’il rencontre le grand amour, sous les traits de Julie Charles. Un an plus tard il écrit « Le Lac » l’un de ses plus beaux poèmes. Balade romantique sur les pas du poète autour du lac du Bourget.

« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! » . Ces vers font probablement parti des plus célèbres de la poésie romantique. Aujourd’hui encore, « le lac » est considéré comme le fleuron de ce mouvement littéraire et son auteur comme l’un de ses plus digne représentant. Alphonse de Lamartine est né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869. Il est l’une des grandes figures du romantisme en France. De son enfance en Bourgogne, dans le petit village de Milly plus exactement, on retiendra que la campagne et la nature nourrissent déjà son inspiration poétique. Plus tard, quand sa famille l’envoie à Lyon en pension, il sera très malheureux. Après ses études, il mène une vie de jeune homme oisif et séducteur, passionné de littérature et de philosophie. Il voyage en Italie et occupe une éphémère fonction militaire auprès de Louis XVIII. Un peu désoeuvré, enclin à la mélancolie, il tombe souvent malade. C’est pour se soigner qu’il se rend en cure à Aix-les-Bains en octobre 1816. Il a alors 26 ans. “Son médecin lui avait diagnostiqué une certaine faiblesse pulmonaire mais Lamartine était surtout quelqu’un de gravement déprimé”, explique Jean-François Connille, fondateur de la société d’art et d’histoire d’Aix-les-Bains. A cette époque, la ville est en plein renouveau thermal et commence à être une destination à la mode.

La pension Perrier à Aix-les-Bains

La pension Perrier dans laquelle il est hébergé appartient à un vieux médecin. Elle est à la fois simple, tranquille et proche des sources thermales. C’est là qu’il fera la rencontre de Julie Charles dont il tombera éperdument amoureux. La jeune femme, mariée au physicien Jacques Charles, est atteinte de tuberculose. Et même si cet amour semble impossible, Julie étant mariée, les deux jeunes gens entament une idylle qui durera jusqu’à la mort de la jeune femme en décembre 1817.

La maison du Docteur Perrier était située face à la Mairie. Elle n’existe plus depuis les travaux visant à l’extension de l’établissement thermal tout proche. Vers 1930, lors de la démolition de ce quartier, des fouilles archéologiques dans les caves de la pension révélèrent des vestiges de bains romains du 1er siècle qui furent dès lors préservés. Les amis savoyards de Lamartine ont apposé une plaque rappelant l’endroit où s’élevait la pension Perrier, lieu de la rencontre des deux amants. Par ailleurs, le musée Faure a reconstitué une chambre assez semblable à celle qu’occupait le poète à la pension Perrier lors de ses séjours aixois. Outre quelques meubles issus de la pension et plusieurs objets personnels, cette chambre reconstituée abrite également un buste de Lamartine, copie du portrait de David d’Angers réalisé en 1829, alors qu’il est au summum de la gloire. « A l’époque, il vient d’être reçu à l’Académie Française, il est le chouchou des salons parisiens, tout le monde se l’arrache pour qu’il déclame ses poèmes et en plus, c’est un très bel homme », explique Béatrice Druhen-Charnaux, guide conférencière à Aix-les-Bains.

L’Abbaye d’Hautecombe et la grotte de Bourdeau

Un jour où elle était partie seule en barque sur le lac, Julie Charles est surprise par la « traverse », un coup de vent violent qui fait chavirer sa petite embarcation. Sauvée du naufrage par Lamartine au large de l’Abbaye d’Hautecombe, elle ressent un véritable coup de foudre pour le poète lorsqu’elle reprend connaissance au petit matin. Une idylle naît entre eux, faite de rencontres furtives et de fébriles attentes. Les deux jeunes gens se plaisent à flâner ensemble au bord de ce lac majestueux. Ils font de nombreuses promenades en barque et se réfugient dans la Grotte de Bourdeau loin du monde et hors du temps. Ce lieu situé à l’extrémité de la côte sauvage est aujourd’hui appelé « Grotte Lamartine ». Non loin de là, dans une petite anse du lac, le minuscule port de Bourdeau permet d’entrevoir le château de Bourdeau où le poète a également eu l’occasion de séjourner. A la fin de leur séjour à Aix-les-Bains, les deux amants se font la promesse de s’y retrouver l’été suivant. Malheureusement, la vie en décidera autrement. Revenu sur les bords du lac du Bourget, Lamartine n’y retrouva pas la jeune femme car elle était déjà trop malade pour voyager et avait du rester à Paris. Le 29 août 1817, Lamartine commence à écrire le poème « Le Lac » en l’honneur de Julie, puis compose en septembre « L’Immortalité », qui appartiennent l’un et l’autre aux « Méditations poétiques », faisant passer Julie Charles à la postérité sous le nom d’Elvire. Elle mourut de la tuberculose le 18 décembre 1817.

La colline de Tresserve

Le poète sera profondément marqué par cette perte tragique. Il revient seul revoir les lieux qu’il a visités autrefois avec elle. Surpris de trouver la nature toujours semblable à elle-même et indifférente à cette disparition, il souhaite garder au moins le souvenir de leur bonheur passé. « Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu’elle devait revoir, Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre Où tu la vis s’asseoir ! ” C’est sur le haut de la colline de Tresserve, face au lac, que Lamartine jette l’ébauche du poème « Le lac » qui devait rendre leur amour immortel. La douceur mélodieuse des vers exprime le calme voluptueux d’une nuit d’été et la fuite rapide des heures. L’œuvre rencontre un immense retentissement et propulse son auteur au premier rang de la poésie romantique et du lyrisme. Tresserve, le lieu d’inspiration est aujourd’hui appelé « la colline du poète ». En 1927, une stèle commémorative de marbre rose du sculpteur Carle est installée au nord de la colline, là où Lamartine aurait reçu l’inspiration pour son fameux poème. Plus tard, en 1962, le buste du poète est inauguré devant la mairie de Tresserve. Il est l’oeuvre du sculpteur David d’Angers.

Autres lieux évocateurs du poète

De Tresserve à Châtillon, Lamartine a trouvé dans la région aixoise une deuxième patrie, après celle du Mâconnais, où il a grandi. Une région qu’il a durablement marqué de son empreinte. Aujourd’hui encore, nombreux sont les lieux évoquant les promenades que firent Alphonse de Lamartine en compagnie de Julie Charles. Non seulement les rues d’Aix les Bains, souvent parcourus par les deux amants, mais également leurs escapades tout autour du lac et dans les environs : la cascade de Grésy, le château de Saint Innocent, les montagnes qui dominent la vallée de Chambéry etc…
D’autres sites évoquent son attachement à la région comme le château de Châtillon où il a également séjourné. A travers le poème « La retraite » il rend hommage à la quiétude et à la sagesse de son hôte de l’époque. Le poète appréciait également la pointe nord de Saint-Innocent où il situe le départ de “Raphaël”, son roman autobiographique. En 1990, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, la Ville d’Aix-les-Bains lui érige une statue en bronze dans le parc floral des Thermes. La statue est une copie interprétée, réalisée par l´artiste chambérien Livio Benedetti d’après une statuette de l´artiste, Emile Boisseau, elle-même conservée au musée Faure.