Jean-Anthelme Brillat-Savarin
14 mars 2016
Sophie Extier
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14 mars 2016
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Son nom a été donné à un grand nombre de plats, à un gâteau et même à un fromage. Celui que l’on surnomme parfois « l’inventeur de la gastronomie » est né à Belley, petite commune située dans le Bugey, à quelques encablures du lac du Bourget.
« Dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » ou « Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil » ou encore « Convier quelqu’un, c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous votre toit »… L’auteur de ces célèbres aphorismes liés à l’art du bien manger n’est autre que Jean Anthelme Brillat-Savarin.
Né à Belley dans le Bugey (actuel département de l’Ain) en 1755 au sein d’une famille de juristes, il s’appelle à l’époque Jean Anthelme Brillat. La maison familiale est située au n° 62 de la Grande Rue. Sa mère, un véritable cordon bleu, l’initie aux secrets de la cuisine bourgeoise. Très jeune, Jean Anthelme est déjà un solide gourmand. Après ses études au collège de la ville, il rejoint la faculté de droit à Dijon. Une formation qu’il complète par des cours de chimie et de médecine. Revenu dans sa ville natale à laquelle il est très attaché, il en devient maire tout en exerçant le droit en tant qu’avocat au barreau de Belley. Lorsque survient la Révolution, il est âgé de 34 ans.
Ses idées girondines l’obligent à prendre le chemin de l’exil. De la Suisse voisine, il se rend aux Pays-Bas d’où il embarque en direction des Etats-Unis. Le voyage en bateau jusqu’à New-York dure 24 jours. Là-bas, il gagne sa vie en donnant des leçons de français et en jouant du violon dans un orchestre. Sa bonne humeur, son enthousiasme, sa gentillesse et sa capacité d’intégration sont particulièrement appréciés. « Dès que je fus arrivé parmi les américains, je parlais comme eux, je m’habillais comme eux, je me gardais bien d’avoir plus d’esprit qu’eux et je trouvais bon tout ce qu’ils faisaient. » racontera-t-il. Pendant les deux années où il séjourne de l’autre côté de l’atlantique, il initie des chefs à la cuisine française et découvre de son côté des mets « exotiques » tels que le dindon ou le korn beef (bœuf demi-sel).
De retour en France en 1797, il est d’abord secrétaire du général Augereau à l’armée du Rhin avant d’avoir la bonne surprise d’être nommé en 1800 conseiller à la Cour de cassation à Paris. A l’abri des tempêtes politiques qui continuent à agiter la France et disposant d’autant plus de temps qu’il est célibataire, il peut désormais se consacrer pleinement à sa passion pour la gastronomie. Une nouvelle aubaine lui offrira la possibilité de s’y adonner sans être limité financièrement puisqu’il hérite d’une tante richissime qui n’a mis qu’une condition à son testament : que Brillat ajoute à son nom le sien, qui est Savarin. Celui dont le nom est désormais Jean Anthelme Brillat-Savarin fréquente donc assidûment les grands restaurants de son quartier du Palais-Royal : le célèbre Grand Véfour, le Véry et sa carte aux 127 plats, Beauvilliers où l’on déguste, entre autres, un fameux pâté chaud de bécasse. Mais aussi Tortoni, un glacier et restaurateur réputé pour ses buffets froids. Brillat-Savarin reçoit également beaucoup chez lui, rue Richelieu, où il se met lui-même aux fourneaux. Ses nombreux invités vantent son omelette au thon, son filet de bœuf aux truffes ou encore son faisan étoffé à l’orange.
Le célibataire épicurien écrit régulièrement et publie plusieurs ouvrages peu remarqués dont un Essai historique et critique sur le duel et un Mémoire sur l’archéologie de la partie orientale du département de l’Ain (Bugey). C’est en 1825 que parait LE livre qui le fera entrer dans la postérité : la « Physiologie du goût » dont le titre complet est « Physiologie du goût ou méditations de gastronomie transcendante, ouvrage théorique, historique et à l’ordre du jour, dédié aux gastronomes parisiens, par un professeur, membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes ». L’ouvrage connaît un immense succès à tel point qu’il est traduit dans plusieurs langues et sans cesse réédité. Il suscite même l’admiration de Balzac pour la qualité de son style. On y trouve des recettes, des théories et des histoires, des anecdotes, des aphorismes, sans oublier les adresses de bons fournisseurs. Brillat- Savarin donne même quelques conseils : « Un régime succulent, selon lui, donne aux yeux plus de brillant, à la peau plus de fraicheur et aux muscles plus de soutien ». Il va même jusqu’à prétendre que « La gourmandise a de l’influence sur le bonheur conjugal ». La Physiologie du goût est la bible de la gourmandise dans laquelle l’auteur veut faire de la cuisine une science où interviennent la physique, la chimie, l’anatomie, la médecine. « N’est pas gourmand qui veut » dit ce maître de la gastronomie. C’est un art qui s’apprend et se mérite.
Brillat-Savarin n’aura malheureusement pas vraiment l’occasion de profiter de ce succès puisqu’il meurt peu de temps après la parution de son ouvrage. Il est enterré à Paris au cimetière du Père Lachaise.
Après son décès en février 1826, l’inventaire de ses biens révèle, entre autres, une cave riche d’un millier de bouteilles où se côtoient clos-vougeot, madère, xérès blanc, malaga, muscat, jurançon, grenache, pouilly, chablis, condrieu, bordeaux ordinaires, vins des Altesses ou de Seyssel (crus du Bugey), vin de l’Hermitage ou champagne Sillery.
Aujourd’hui, des visites guidées sont proposées toute l’année à Belley sur les pas du célèbre gastronome. Sous forme de parcours pédestres ponctués de pauses évoquant ses fameux aphorismes, elles proposent de découvrir les différentes facettes du personnage de Brillat-Savarin et les temps forts de sa vie d’homme politique, de lois et de gastronome passionné du Bugey. A la fin de la visite, une dégustation de vins du Bugey est proposée. Ils sont en AOC depuis 2009 et leur production est de 30 000 hl par an : Bugey bruts, Bugey Chardonnay, Roussette du Bugey, Gamay, Pinot noir, Mondeuse…
Produit phare de la région, les vins ne sont cependant pas les seuls produits du terroir dignes d’intérêt. Il existe plusieurs spécialités locales telles que la truffe du Bugey dont le développement est favorisé par un terroir constitué de collines calcaires bien ensoleillées. Depuis quelques années, on trouve ici la truffe noire du Périgord (tuber mélanosporum) et la truffe de Bourgogne (tuber uncinatum). Les fromages locaux sont également réputés. Aux côtés du Comté et du Pavé d’Affinois , on trouve sur les étals des marchés du Bugey Sud, le fromage de chèvre, fort en goût et la Tome de Belley, petit fromage de vache à pâte molle et à croûte naturelle, remis au goût du jour au début des années 1990 par Madame Convers, ancienne fromagère de la ville. Autre curiosité locale à ne pas manquer : la distillerie Kario. Elle produit depuis 100 ans des boissons aux vertus bienfaitrices, savant mélange de plantes alpines rares, dont le secret est toujours détenu par les Frères de la Sainte Famille. La Distillerie Kario, rachetée en 2023 par La Liqueur Chartreuse, propose toute l’année des visites commentées pour les groupes. Enfin, il convient de citer quelques recettes locales comme le « Salé aux noix du Bugey » ou la fameuse « Tarte au sucre » qui sont confectionnés dans les fours des villages et font l’objet de fêtes tout au long de l’année. D’autres recettes telles que le « Moelleux aux fanes de carottes et safran du Bugey », les « Diots au vin blanc du Bugey » ou les « Rillettes de lavaret au Manicle blanc » confirment que la région possède bien le génie de la bonne cuisine comme l’affirmait Brillat-Savarin, son plus célèbre ambassadeur : « Le Bugey peut prendre une recette banale venant d’ailleurs et la transformer, la transcender, l’approcher du dernier état de la perfection, la sublimer, la parfaire… ».
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