Poisson

Les muses des Alpes: Marie de Solms et Georges Sand 


14 mars 2019

Sophie Extier

Partager sur :

Aix-les-Bains a accueilli bon nombre de célébrités à différentes époques. Parmi celles-ci, des femmes d’exception comme Marie de Solms et Georges Sand ont largement contribué au rayonnement de la ville voire de la région, au point qu’elles sont aujourd’hui surnommées « Les muses des Alpes ».

Marie de Solms

Chateaubriand disait d’elle : « C’est une enfant de génie ! » Petite nièce de Napoléon 1er, Marie-Studolmine-Laetitia Bonaparte-Wyse est plus connue sous son nom de plume, Marie de Solms.
Née en Irlande en 1831, elle fut élevée en Angleterre où elle reçut une excellente éducation. Brillante et curieuse, la jeune femme parle cinq langues couramment. Elle apprend le journalisme, la peinture, la sculpture et la musique. Tout juste âgée de 17 ans, elle épouse le comte Frédéric Joseph de Solms sur un coup de tête. Quelques mois après leur mariage, ce dernier part pour les Etats-Unis et décide d’y rester. Elle s’installe alors à Paris et tient un salon fréquenté par Victor Hugo, Gérard de Nerval, Alexandre Dumas, Georges Sand et Eugène Sue. En 1852, malgré sa parenté avec l’empereur Napoléon III, elle est soupçonnée de complot contre lui et interdite de séjour en France. Elle décide d’aller vivre à Rome où elle fait la rencontre du comte Alexis de Pomereu. De cette idylle, naîtra un enfant, Alexis de Solms. De retour en France, la jeune femme voyage et tombe sous le charme d’Aix-les-Bains. Le comte de Pomereu lui achète des terrains, situés dans le quartier de la gare où elle fera construire un chalet, encore visible aujourd’hui. Ici, au chalet de Solms, un lieu dans lequel elle habitera quelques années et où elle reviendra plus tard pour les vacances, elle réussira à faire vivre son salon. En 1854 elle fait construire le premier véritable théâtre d’Aix-les-Bains, dont elle assure la direction et l’animation. Le public aixois découvre alors des pièces de Marivaux, d’Alfred de Musset, d’Alexandre Dumas, de François Ponsard puis des comédies de sa composition. Elle fonde par ailleurs une revue artistique et littéraire appelée “Les Matinées d’Aix-les-Bains” qui deviendra “Journal du Chalet » en 1863 puis « Les soirées d’Aix-les-Bains » en 1865. La même année, elle part s’installer à Florence puis à Madrid jusqu’en1889, date à laquelle, veuve pour la troisième fois, elle retourne à Paris. Cinq ans plus tard, ruinée, Marie de Solms est obligée de revendre son chalet aixois. Elle décède en 1902 et repose aujourd’hui à Aix-les-Bains aux côtés de sa fille Lola selon ses dernières volontés.

Georges Sand

Comme Lamartine, Georges Sand appartient au mouvement littéraire « romantique ». Née à Paris en 1804, elle meurt en juin 1876 dans son célèbre Château de Nohant situé au coeur du Berry. A la fois romancière, dramaturge, critique littéraire et journaliste, elle compte parmi les écrivains les plus prolifique avec plus de 70 romans à son actif et 50 volumes d’oeuvres diverses dont des nouvelles, des contes, des essais et des pièces de théâtre. Très engagée politiquement, elle prend la défense des femmes, prône la passion, fustige le mariage et lutte contre les préjugés d’une société conservatrice. Son non- conformisme et sa vie amoureuse agitée firent scandale à l’époque. Non seulement elle adopta une tenue vestimentaire et un pseudo masculins mais elle fut l’amante de plusieurs hommes célèbres dont le poète Alfred de Musset et le musicien Frédéric Chopin….

Cette grande dame de la littérature vint à plusieurs reprises en Savoie. Par passion pour montagne, par passion pour Jean-Jacques Rousseau qu’elle considérait comme son père et surtout parce que l’homme qui publia la majeure partie de son oeuvre était savoyard.

Son éditeur François Buloz

Né en 1803 à Vulbens, près de Saint-Julien-en-Genevois, François Buloz est issu d’une famille modeste. Il déménage à Paris à l’âge de dix ans et gagne sa vie en effectuant des petits boulots. Après avoir préparé l’Ecole Normale, sans succès, il entre finalement en 1829 comme correcteur d’imprimerie à la « Revue des Deux-Mondes » qui vient d’être fondée. Une carrière fulgurante l’attend car il en devient rédacteur en chef deux ans plus tard puis directeur, une fonction qu’il occupera jusqu’en 1875. Il dirige par ailleurs le Théâtre-Français, ce qui lui confère un rôle capital auprès des auteurs, tout particulièrement auprès des romantiques. C’est en accompagnant l’un de ses enfant en cure thermale à Aix-les-Bains qu’il découvre la propriété de Ronjoux tout près de La Motte- Servolex. Immédiatement séduit par le beau logis du XVIII ème siècle, il décide de l’acquérir dans l’éventualité d’y trouver refuge en cas d’exil car il est en désaccord avec le régime impérial.
Dans une lettre écrite en 1860, Georges Sand évoque l’éventualité de rendre visite à son éditeur à Ronjoux : « Ce que vous me dites de votre Savoie où il fait beau, et de votre habitation où il y a des plafonds bleus, donne envie d’y aller, d’autant plus que c’est la France à présent… ». Un an plus tard, la romancière en convalescence dans le midi, décide de faire un détour par la Savoie avant de rentrer à Nohant. Elle annonce son arrivée avec ses mots : « Je viens pour vous voir et pour admirer votre Savoie que l’on dit si belle. » Cette notion se confirme dans les notes de l’écrivaine relatant ses premières impressions lorsqu’elle découvre la région : « Le lac du Bourget est un adorable miroir encadré de montagnes assez élevées et d’un aspect à la fois sauvage et doux… une végétation qui réjouit, des constructions très jolies… Ici la vigne monte sur les arbres et croise ses berceaux sur les champs comme en Toscane. »

Les Charmettes et Jean-Jacques Rousseau

Le premier souhait de la romancière est de se rendre aux Charmettes, sur les traces de Jean-Jacques Rousseau. « Je ne pensais pas à grand chose en entrant, je croyais connaître les Charmettes par les descriptions nombreuses que j’en avais lues… Mais j’ai été émue en mettant le pied dans la salle à manger et pour la première fois de ma vie j’ai éprouvé le phénomène de la réminiscence. Il m’a semblé, quoique je m’en fusse fait une toute autre idée, que je revoyais un endroit oublié mais pourtant connu. Une odeur d’humidité un peu sépulcrale m’a saisie aussi comme un souvenir. Cette salle à manger à poutrelles grises et à murailles peintes à fresque a certainement un caractère très prononcé. On entre dans un autre siècle, dans un monde évanoui, dans un rêve du passé et on ne serait pas surpris de voir arriver par la fausse porte entrouverte peinte en trompe- l’oeil le jeune Jean-Jacques, Mme de Warens ou même le perruquier. » Ce pèlerinage revêt pour elle une très forte signification. En se promenant dans le jardin des Charmettes, la romancière arrache de la pervenche pour la planter à Nohant.

Son roman « Mademoiselle La Quintinie »

Ce séjour en Savoie est également l’occasion pour Georges Sand de découvrir le décor de son futur roman « Mademoiselle La Quintinie » publié en 1863. Après une visite de l’Abbaye d’Hautecombe, elle se rend au château de Bourdeau qui la séduit tant qu’elle le rebaptisera « Manoir de Turdy » en le choisissant comme cadre de son roman. Après un bref passage par Aix-les-Bains, la romancière et ceux qui l’accompagnent regagnent Chambéry où ils séjournent à l’Hôtel de France. De retour à Nohant, elle relate son séjour dans ses correspondances avec des termes dithyrambiques : « Ah, que c’est beau cette Savoie ! et comme j’aurais dû y aller plus tôt ! ». Dans une autre lettre, elle exprime également sa reconnaissance à Madame Buloz : « Le paradis terrestre de la vallée de Chambéry me reste dans la tête comme un rêve… ». Peu de temps après, la romancière commence la rédaction de « Mademoiselle La Quintinie ». Commandé par François Buloz, ce roman est une histoire d’amour qui entraine le lecteur sur les rives du lac du Bourget, au coeur de très beaux sites comme l’Abbaye d’Hautecombe, le Nivolet, le Château de Bourdeau ou encore les Charmettes…
Mais le récit pamphlétaire et subversif se veut ouvertement anticléricale. Georges Sand s’en prend à l’hypocrisie de la religion. L’oeuvre soulève des vagues dans la capitale et en Savoie. L’éditeur ne s’en étonne pas et il décrit dans une lettre à son auteur le climat qui règne à Chambéry : « Savez-vous qu’ici on est terriblement effarouché par « Mademoiselle La Quintinie » ? Le monde antique et suranné de Chambéry n’est pas content, mais je n’y fait guère attention… » s’amuse-t-il. Il en fallait beaucoup plus pour émouvoir la dame de Nohant qui fit de ses engagements le fil rouge de toute son oeuvre littéraire.

Partager sur :

Quand les fresques subliment le paysage

Lire l'article suivant

Les roselières du lac

Lire l'article précédent
icone de geolocalisation

Laissez-nous vous géolocaliser ...

Votre navigateur nous refuse de vous localiser !

... afin de vous proposer les meilleurs établissements de la région selon votre position !

Suite à ce message, votre navigateur va vous proposer de vous localiser, veuillez accepter.

Veuillez changer ce paramètre afin que nous puissions vous donner des résultats par rapport à votre position.

N'oubliez pas de recharger la page une fois l'autorisation accordée !

C'est compris !

Inscrivez-vous à notre newsletter !

Pas de SPAM, seulement de l'actu, de la culture, de l'histoire autour du Lac du Bourget !

Je m'inscris
Image de fond pour la page 404